Le 6e colloque de la Société d’Histoire de la Naissance a eu lieu les 17 et 18 septembre 2016, à l’École de puériculture du Bd Brune, Paris 14°, sur le thème : “LA NAISSANCE AU RISQUE DE LA MORT D’HIER À AUJOURD’HUI”
Les interventions et les débats ont été intenses et passionnants. Vous pouvez en avoir une idée en suivant la compilation des tweets envoyés tout au long de ces deux journées.
« Qui va à la vie, va à la mort… », ce vieux proverbe exprime bien la redoutable proximité qui existe entre le moment de la naissance et celui de la mort. Autrefois, ce voisinage paradoxal était clairement pressenti et assumé. De nombreux rites, traditions populaires et dictons anciens attestent de la peur de l’enfantement et du danger qu’il fait courir à la mère et à l’enfant. Mort de la mère qui ne verra pas grandir son enfant, mort-né qui n’a pas eu le temps de naître, mort du nouveau-né qui n’a pas eu le temps de vivre.
On s’intéressera à la manière dont nos ancêtres préparaient à la maison ce dangereux moment de passage qu’est la naissance. On reviendra sur les sombres pressentiments souvent éprouvés par les femmes enceintes d’autrefois, comme en témoigne Émilie du Châtelet en septembre 1749, quelques jours avant sa mort en couches à 43 ans : « J’espère bien (…) que mes couches, dont je n’attends que le moment, ne seront pas aussi funestes que je le crains. »
Les nombreux récits d’accouchements dramatiques, aussi bien dans les familles de notables (comme celui de Jane Seymour, femme d’Henri VIII, morte en 1537, quelques jours après la naissance du futur Édouard VI) que chez les plus humbles, nous permettront de comprendre la manière dont était vécu autrefois, en cours de travail, le dilemme « sauver la mère ou sauver l’enfant ? »
Comment les familles et les soignants supportaient-ils le deuil d’une mère, d’un bébé ou des deux à la fois, surtout quand il survenait plusieurs jours après l’accouchement, alors qu’on croyait que tout s’était bien passé ? On quantifiera ces morts précoces et on étudiera les conditions dans lesquelles elles ont baissé peu à peu.
On verra aussi comment les mémorialistes, les écrivains, les artistes ont témoigné sur la mort des mères et sur le destin des enfants non-nés ou morts avant d’avoir vécu. En particulier, comment être l’enfant qui survit à sa mère morte ? « Je suis historien parce que je suis le fils de la morte… », a écrit Pierre Chaunu. Quant au héros Siegfried, s’interrogeant sur la mort de sa mère (« Ma mère est donc morte à cause de moi ?… »), il en vient à penser que, peut-être, toutes les mères meurent en donnant la vie : « Par la naissance de leurs fils, les mères meurent-elles toutes ?… »
Aujourd’hui, cette surmortalité des mères et des nouveau-nés est toujours une réalité dans un certain nombre de pays en développement. Alors que dans nos maternités modernes, où la médicalisation est censée écarter tout risque fatal, il semble que la possibilité de la mort maternelle, néonatale ou périnatale soit occultée. Comment en est-on arrivé là ? La lutte des soignants pour faire baisser la mortalité des mères et des nouveau-nés a été un long combat qui a légitimé peu à peu les avancées de la médicalisation de la naissance. Mais est-ce seulement le passage massif à l’accouchement en milieu hospitalier à partir des années 1950 qui a permis de faire baisser chez nous la mortalité des mères et celle des nouveau-nés ? Comment réintroduire aujourd’hui un peu d’humanité dans la prise en charge de ces morts devenues peu fréquentes, et qui en semblent d’autant plus injustes, voire scandaleuses ?
Intervenants :
Catherine Rollet (Versailles/Saint-Quentin) : Données démographiques sur les morts maternelles et périnatales dans l’histoire.
Valérie Worth-Stylianou (Oxford) : Les récits d’accouchements catastrophes dans les traités médicaux des XVIe et XVIIe siècles.
Elisabeth Arnoul (Sorbonne Paris IV) : La mort des mères et des nouveau-nés dans les écrits du for privé chez les familles françaises du XVIe au XVIIIe siècles.
Nathalie Sage-Pranchère (Sorbonne Paris IV) : Les sages-femmes du XIXe siècle aux prises avec la mortalité maternelle et périnatale.
Marie-France Morel (Société d’Histoire de la Naissance) : Représentations et vécu des naissances catastrophes, d’après les ex-voto français et germaniques des XVIIe-XIXe siècles.
Jacques Gélis (Saint-Denis) : Les mort-nés : baptêmes à tout prix et sanctuaires à répit.
Julie Bouhallier (MNHN) : Les accouchements à problèmes depuis l’époque préhistorique jusqu’à la Maternité de Paris au XIXe siècle.
Farida Hammani (sage-femme) : La mort des mères et des nouveau-nés au Sahel aujourd’hui
Danielle Rapoport, psychologue : La perte de l’enfant qu’on attendait.
Dominique Memmi (CNRS ) : La gestion des morts néonatales et périnatales en milieu hospitalier aujourd’hui.
témoignages et réflexions de sages-femmes d’hier et d’aujourd’hui : Willy Belhassen, Francine Dauphin, Maï Le Dû, Chantal Birman, Sylvie Zylka, Jeanne Bethuys…
CONTACT : Marie-France Morel Historienne de la naissance et de la petite enfance Présidente de la Société d’Histoire de la Naissance 11 avenue Fontenelle 92330 Sceaux 01 46 61 16 03 marie-france.morel@orange.fr